Suicide chez l'ado : signes d'alerte, prise en charge, prévention

Le suicide est la 2e cause de mortalité chez les 15-24 ans en France. Pour tenter de prévenir les tentatives, la HAS a publié une série de recommandations. Quels sont les signes d'alerte ? Quels tests pour détecter une idée suicidaire ? Quelle prise en charge ? Quelle prévention ? Eclairage.

Suicide chez l'ado : signes d'alerte, prise en charge, prévention
© dmbaker - 123RF

Le suicide est la deuxième cause de mortalité chez les jeunes. Dans ce contexte et dans le cadre de son programme "Psychiatrie et santé mentale" 2018-2023, la Haute autorité de Santé (HAS) a publié le 30 septembre 2021 une série de recommandations à destination des professionnels pour tenter de prévenir les tentatives de suicide chez les enfants et adolescents. Le but : mieux repérer, évaluer et orienter les enfants et adolescents pouvant présenter un risque suicidaire à court, moyen ou long terme. Quels sont les signes d'alerte ? Comment détecter les idées suicidaires ? Avec quels tests ? Comment prévenir le passage à l'acte ? Quelle prise en charge ?

Suicide chez l'enfant et l'ado : quels chiffres en France ?

La tentative de suicide correspond à l'envie de mourir et de mettre fin à ses jours. Depuis plus de 30 ans, le suicide représente la deuxième cause de mortalité chez les 15-24 ans (données de l'INSERM) et la 5ème cause de mortalité chez les moins de 13 ans en France. En 2016 (dernières données en date), 26 décès par suicide ont été enregistrés chez les moins de 15 ans et 352 chez les 15-24 ans, soit des taux respectifs de 0,3 et 4,5 pour 100 000 habitants.

Quels sont les signes à repérer ?

Parmi les signes qui doivent alerter, on retrouve :

  • Un changement brutal du comportement,
  • La consommation fréquente de drogue ou d'alcool,
  • Les actes d'automutilation ou d'auto-sabotage (fugue...)
  • Les propos suicidaires (parler souvent de la mort, appétence pour les sujets morbides) et les idées noires

Ces signes ne doivent jamais être pris à la légère. "Le repérage des enfants et des adolescents suicidaires repose sur une écoute active et un questionnement direct. Il est donc important de prendre au sérieux la parole de tous les enfants et adolescents qui expriment ces idées et de leur apporter une réponse réactive et adaptée", précise la HAS. De plus, le fait de poser de façon explicite la question à un enfant ou un adolescent sur la présence d'idées suicidaires n'induit pas de telles idées ou même un passage à l'acte.

Quelles sont les causes ?

Le suicide est un phénomène complexe favorisé par plusieurs facteurs : biologiques, psychologiques et environnementaux. Ainsi, vivre dans un contexte de tensions familiales, relationnelles ou socio-économiques favorise les idées suicidaires. Parmi les causes d'une envie de se suicider chez l'enfant et l'ado, on retrouve :

  • Les difficultés scolaires (redoublement, échec scolaire...)
  • Les difficultés liées à la structure familiale (famille recomposée ou monoparentale, relations conflictuelles avec les parents, un changement d'environnement comme un déménagement soudain...)
  • La précarité financière ou une insertion sociale précaire (déscolarisation)
  • Le cyberharcèlement, le harcèlement scolaire, des humiliations à répétition...
  • La dépression ou une autre pathologie psychiatrique sous-jacente (troubles de la personnalité, schizophrénie, troubles anxieux...)
  • Les antécédents de maltraitance ou d'abus sexuels
  • Un mauvais état de santé
  • Les contextes de deuil (perte d'un être cher) ou de rupture sentimentale
  • Les ennuis avec la justice

Quels tests pour dépister une idée suicidaire ?

En plus d'une écoute attentive, les professionnels de santé disposent de plusieurs outils permettant de détecter une éventuelle idée suicidaire :

  • Le Bullying Insomnia Tobacco Stress Test (BITS) aborde la qualité du sommeil, le stress lié au travail scolaire et à l'ambiance familiale, les maltraitances, le tabagisme...
  • L'Ask Suicide-Screening Questions (ASQ) est utile lors des consultations pour des difficultés en lien avec la santé mentale ou lorsque des difficultés se révèlent au cours de la consultation. Celui-ci aborde directement les idées suicidaires.
  • La Columbia Suicide Severity Rating Scale peut aider pour un état des lieux des idées suicidaires et du risque potentiel de passage à l'acte à court, moyen ou long terme.

Un entretien avec l'enfant ou l'adolescent dans un contexte propice (lieu adéquat, climat d'empathie, de non-jugement et de bienveillance, respect de la confidentialité...) doit être réalisé. Celui-ci sera complété par des informations recueillies auprès des parents, mais aussi auprès des infirmières ou médecins scolaires, du médecin traitant, du pédiatre, le tout dans le secret médical. Le risque de vulnérabilité ou d'urgence suicidaire détermine la prise en charge.

>> L'urgence suicidaire correspond à la probabilité que la personne adopte une conduite suicidaire potentiellement létale sur le court terme. Celle-ci ne doit jamais être sous-estimée. Elle nécessite l'appréciation du niveau de souffrance ou de douleur psychique, la caractérisation des idées suicidaires, la recherche d'un scénario suicidaire, l'estimation du niveau d'intentionnalité suicidaire et la recherche de facteurs dissuasifs.

>> La vulnérabilité suicidaire correspond à la probabilité que la personne adopte une conduite suicidaire sur le moyen ou le long terme. Celle-ci est liée aux facteurs de risque, tels que les antécédents personnels et familiaux, l'existence d'un trouble psychiatrique ou encore de difficultés d'ordre familial, et les facteurs de protection présentés par la personne, notamment le soutien social, la cohésion familiale, la spiritualité et les croyances religieuses.

Quelle prise en charge ?

Tout enfant ou adolescent ayant fait une tentative de suicide récente doit être orienté vers un service d'urgences, quel que soit le niveau d'urgence suicidaire actuel. Si l'enfant ou l'adolescent présente des idées suicidaires mais n'a pas fait de tentative de suicide récente, la conduite à tenir est fonction de l'évaluation de l'urgence suicidaire :

► Si l'urgence suicidaire est élevée (inquiétude quant à un passage à l'acte imminent), l'enfant ou l'adolescent doit être envoyé aux urgences. Une crise suicidaire peut nécessiter une hospitalisation de quelques jours à quelques semaines en milieu psychiatrique ou pédiatrique avec un accompagnement adapté. En fonction de l'état psychique du jeune, des soins (individuels ou familiaux) psychologiques ou médicamenteux peuvent être proposés. Après la période aiguë de crise, un suivi doit être impérativement effectué avec des intervenants comme le médecin généraliste, les travailleurs sociaux, les infirmiers scolaires...

► Si l'urgence suicidaire est faible à moyenne, l'enfant ou l'adolescent doit être orienté vers une prise en charge ambulatoire de deuxième ligne (telle qu'un centre médico-psychologique ou un centre médico-psycho-pédagogique, un psychiatre libéral, ou selon le territoire une Maison des adolescents). En dehors des situations d'urgence élevée, une réévaluation peut être reconduite à 2 ou 3 jours afin de préciser le niveau d'urgence et de vulnérabilité

Les interlocuteurs privilégiés sont : les (pédo)psychiatres, les médecins généralistes, les pédiatres, les médecins et infirmiers scolaires, les addictologues, les psychologues cliniciens, les urgentistes, les assistantes sociales...

Pour éviter la récidive et un nouveau passage à l'acte, il est recommandé de recourir au plan de sécurité, insiste la HAS. Il s'agit d'une intervention souple, de mise en œuvre relativement simple et dont l'efficacité est soutenue par des éléments de preuve, en particulier chez l'adolescent après une tentative de suicide. Celui-ci comprend :

  • L'identification des signaux d'alarme associés à une aggravation de la crise suicidaire,
  • La sécurisation de l'environnement en limitant l'accès aux moyens de suicide ;
  • La mobilisation du réseau social de proximité ;
  • Le renforcement de l'adhésion au suivi et mise à disposition de ressources en cas d'urgence.
Numéro d'écoute (disponible 24h/24, 7j/7) : 09 72 39 40 50 (SOS AMITIE) ou 01 45 39 40 00 (SUICIDE ECOUTE)

Source : Idées suicidaires chez l'enfant et l'adolescent : repérer, évaluer et orienter la prise en charge, Communiqué de presse de la Haute Autorité de Santé du 30 septembre 2021. 

Autour du même sujet
  • Maladie du suicide > Guide