Antihypertenseurs : naturel, médicament, effets secondaires 

L'hypertension artérielle touche un adulte sur trois en France. Objectif des traitements anti-hypertenseurs : contrôler la tension afin de se protéger contre les maladies cardio-vasculaires, dont l'AVC. Indications, contre-indications, efficacité de ces médicaments... Le point avec le Pr Xavier Girerd, cardiologue.

Antihypertenseurs : naturel, médicament, effets secondaires 
© asadykov - 123RF

Qu'est-ce qu'un anti-hypertenseur ?

Les anti-hypertenseurs sont un groupe de médicaments utilisés pour normaliser une tension artérielle trop élevée. Les anti-hypertenseurs ont des mécanismes d'action très variés et appartiennent à cinq familles de médicaments : les diurétiques, les bêtabloquants, les antagonistes calciques, les inhibiteurs de l'enzyme de conversion (IEC), les antagonistes de l'angiotensine II (ARA-II) ou également appelés sartans. Le traitement doit être suivi sur le long terme. Une surveillance régulière de la tension est nécessaire afin de vérifier l'efficacité du traitement.

Quelles sont les indications ?

"On définit l'indication d'un traitement quand l'auto-mesure de la tension artérielle montre des chiffres de pression artérielle systoliques supérieurs à 135 et/ou des chiffres de pression artérielle diastoliques supérieurs à 85", pose le Pr Xavier Girerd, cardiologue à la Pitié-Salpêtrière et président de la Fondation de recherche sur l'hypertension artérielle.

→ La pression artérielle systolique correspond à la pression dans les artères au moment où le cœur se contracte, la diastolique à la pression dans les artères entre deux battements de cœur.

Afin de mesurer au mieux cette tension, les experts prônent l'auto-mesure : le patient mesure lui-même sa tension artérielle à l'aide d'un tensiomètre automatique, appareillage qui n'est toutefois pas remboursé par la Sécurité sociale. Afin de réaliser une auto-mesure fiable, la Haute Autorité de Santé (HAS) recommande trois mesures à une minute d'intervalle, matin et soir, sur trois jours consécutifs soit 18 mesures au total. "Avant de proposer un traitement médicamenteux à un patient qui souffre d'hypertension, on va d'abord lui faire baisser sa consommation de sel. Dans le cadre d'une consommation excessive, la tension monte rapidement dans les heures qui suivent le repas. Toutefois, dans les 24 heures, 80% de ce sel est éliminé dans les urines. Le traitement débute généralement par des mesures nutritionnelles, et ce durant 8 jours seulement, les effets devant être immédiats." Passés ces huit jours, si la pression artérielle est toujours aussi élevée, un traitement anti-hypertenseur médicamenteux est alors mis en place.

Quels sont les médicaments anti-hypertenseurs ?

"L'efficacité des médicaments varient en fonction des patients, en fonction de leur niveau de tension et des caractéristiques physio-pharmacologiques qui leur sont propres", pose en amont notre expert. Il existe cinq classes de médicaments anti-hypertenseurs. L'hypertension artérielle étant une maladie qui contracte les artères, ces médicaments agissent selon leurs propriétés, sur la relaxation des artères.

  • Les diurétiques thiazidiques : ce sont les médicaments anti-hypertenseurs les plus anciens. Ils favorisent l'élimination d'eau et de sel par les reins et diminuent ainsi le volume de liquide qui circule dans les artères. Cette action diminue la tension sur les parois des artères. Actuellement,  ils sont utilisés à des dosages faibles qui limitent leurs effets indésirables. La surveillance régulière de leur effet sur les reins doit être effectuée par prise de sang. 
  • Les bêtabloquants : "Ces médicaments soignent l'hypertension artérielle mais aussi l'angine de poitrine, l'insuffisance cardiaque et les troubles du rythme cardiaque", commente Xavier Girerd. Ils bloquent l'action de l'adrénaline et de la noradrénaline et diminue la sécrétion de la rénine, des hormones qui entraînent une augmentation de la pression artérielle. Les bêtabloquants en se fixant sur des récepteurs bloquent l'effet de ces substances ce qui provoque la baisse de la pression artérielle. 
  • Les antagonistes calciques : "Ces médicaments s'opposent à la libération de calcium intracellulaire responsable de la contraction des artères. Ainsi, ils favorisent la relaxation des artères, une cause primordiale dans l'élévation de la tension. Ces médicaments fonctionnent chez la quasi-totalité des patients hypertendus", développe le cardiologue.
  • Les inhibiteurs de l'enzyme de conversion (IEC) : ces médicaments bloquent la production de l'angiotensine II, une hormone qui augmente la pression artérielle. "Les IEC ont été une véritable révolution en cardiologie. Ils soignent deux grandes maladies, l'hypertension artérielle et l'insuffisance cardiaque", ajoute Xavier Girerd.
  • Les sartans ou antagonistes des récepteurs de l'angiotensine (ARA- 2) bloquent l'action de l'angiotensine II. "Ces médicaments sont de très efficaces anti-hypertenseurs et ont une action de protection des reins en particulier en cas de diabète. Ils n'ont pas d'effets indésirables spécifiques et leur association avec un diurétique ou un antagoniste calcique augmente leur effet sur la tension. Ils sont en France disponibles dans plusieurs 'combinaison fixes'. En France, ce sont les médicaments les plus souvent retrouvés sur les ordonnances des hypertendus".

Chez la majorité des patients, l'hypertension artérielle ne sera pas contrôlée avec un seul médicament. "Le médecin propose un médicament. Au bout de quatre semaines, si le traitement n'apporte pas l'efficacité escomptée, on ajoute un deuxième médicament. On pourra en ajouter un troisième, pour obtenir le contrôle de la tension", explique notre expert. 

Quels sont les valeurs à atteindre pour évoquer une tension artérielle contrôlée ?

130 pour la pression artérielle systolique et 80 pour la tension artérielle diastolique lorsque la tension est mesurée à domicile par auto-mesure (ou "13/8"). "Au bout de quatre semaines de traitements, environ 30 % à 50% des patients sont contrôlés par un seul médicament. Pour les autres, on donne deux médicaments. Il est noté que 80 % des hypertendus sont habituellement contrôlés par le suivi régulier d'un ou de deux anti-hypertenseurs", précise Xavier Girerd. Afin de faciliter la vie des patients, il existe désormais des médicaments qui contiennent deux molécules. On les appelle les combinaisons fixes d'anti-hypertenseurs. "Un tiers des médicaments prescrits en France sont des médicaments qui contiennent deux principes actifs", ajoute le spécialiste de l'hypertension.

Quels sont les effets secondaires des anti-hypertenseurs ?

"Tous ces médicaments anti-hypertenseurs ont une longue liste d'effets indésirables mentionné sur la fiche d'information ! Toutefois ces effets ne surviennent pas chez la majorité des patients, ils sont bénins et disparaissent toujours à l'arrêt du médicament. Il faut être rassuré car les anti-hypertenseurs qui sont des vieux médicaments sont très bien connus et aucune mauvaise surprise ne risque de survenir lors de leur prescription" affirme le cardiologue. Œdème, toux, essoufflement pseudo-vertige, baisse de potassium, bradycardie, fatigue... La liste peut sembler longue mais le médecin saura adapter un traitement en cas de survenue d'un effet secondaire. Plusieurs options sont possibles parmi lesquelles la diminution de la posologie, le changement de classe de médicaments ou l'ajout d'un autre anti-hypertenseur. Par classe de médicament, les effets secondaires les plus notables sont les suivants :

  • Les diurétiques : "Ces médicaments ont des effets sur les résultats de la prise de sang. Ils peuvent en effet provoquer une baisse de sodium et/ou une baisse de potassium dans le sang", note le Pr Girerd. Ainsi, un taux de sodium trop faible (hyponatrémie) dans le sang peut entraîner une confusion, une léthargie, une dépression, un coma pour les cas les plus graves. Ce trouble est favorisé par une quantité de boissons (eau, soda) trop importante par jour et par la prise d'autres médicaments comme les antidépresseurs de la famille des IRS. Une baisse trop importante du taux de potassium dans le sang peut être à l'origine de crampes, d'arythmie cardiaque et très rarement de paralysie musculaire. Les diurétiques thiazidiques et les anti-aldostérone peuvent parfois être à l'origine de dysfonction érectile ou de douleurs mammaires.
  • Les bêtabloquants : "Ces médicaments ont des effets cardiologiques et pulmonaires puissants qui sont parfois considérés comme indésirables. Ils provoquent un ralentissement de la fréquence cardiaque (la bradycardie, ndlr) qui, s'il est trop important, peut provoquer un essoufflement et une fatigue qui au maximum s'accompagnera d'un malaise par syncope. Parfois un asthme peut être déclenché par le traitement". Tous les médicaments bêtabloquants ne présentent pas tous ces mêmes effets indésirables et il est toujours proposé de diminuer le dosage ou de changer de molécule avant de décider de l'arrêt du médicament. Les bêtabloquants ont la mauvaise réputation de provoquer des troubles de l'érection mais les études "en aveugle" ont montré que cet effet était moins fréquent que lors de la prescription des diurétiques. 
  • Les antagonistes calciques : "Ils sont globalement bien tolérés mais 20 % des patients auront des oedèmes des membres inférieures favorisés par la chaleur et la position debout. Cet effet secondaire bénin s'il est trop gênant conduira à la diminution du dosage et ou l'arrêt du traitement", commente notre expert.
  • Les IEC : "L'effet indésirable le plus fréquent est une toux sèche accompagnée d'un grattement de la gorge. Cette toux peut survenir quelques jours ou quelques semaines après le début du traitement. Près de 20 % des patients présentent ce symptôme, qui impose un remplacement du traitement. Plus rarement certains patients (fumeurs, personnes noires) ont un risque de développer un angio-œdème des lèvres ou de la langue qui peut se compliquer d'un oedème de Quincke".  

La prise d'anti-inflammatoire non-stéroidien et de corticoïdes doit être contrôlée si le patient est sous anti-hypertenseur.

  • Les ARA2 (sartans) ne provoquent pas d'effet secondaire spécifique et leur profil d'effet secondaire est comparable à celui du placebo. Comme ils diminuent les effets secondaires d'autres anti-hypertenseurs, ils sont fréquemment prescrits en association ce qui permet de diminuer la fréquence de la baisse de potassium (avec un diurétique) et des œdèmes des membres inférieurs (avec un antagoniste calcique) 

Quelles sont les précautions d'utilisation ?

La prise d'anti-inflammatoire non-stéroidien et de corticoïdes doit être contrôlée si le patient est sous anti-hypertenseur. Ces médicaments peuvent en effet être responsables d'un déséquilibre de l'hypertension. "Ce déséquilibre ne dure que le temps de la prise du traitement. Dans ce cas, on peut ajouter un médicament pour reprendre le contrôle sur l'hypertension ". Tous les patients qui sont soignés pour une hypertension ne voient pas leur tension déséquilibrée lors de la prise d'un anti-inflammatoire. Il s'agira de surveiller son hypertension par l'auto-mesure. Les sartans et les IEC ne peuvent être prescrits à une femme enceinte à partir du deuxième trimestre de grossesse. Si une femme est déjà sous traitement lorsqu'elle tombe enceinte, "il est alors conseillé de remanier le traitement", note le cardiologue, en lui prescrivant d'autres anti-hypertenseurs. A noter que lorsque l'hypertension survient pendant la grossesse, au deuxième et troisième semestre le plus souvent, celle-ci est alors le plus souvent due à une mauvaise vascularisation du placenta". Il s'agit de la pré-éclampsie, une complication de la grossesse responsable d'une souffrance foetale et d'une hypertension chez la mère. "On sait aujourd'hui qu'un traitement médicamenteux n'aura pas de conséquences positives pour le fœtus". Une césarienne est programmée au plus tôt, à un terme sans danger pour le fœtus.  

Combien de temps avant qu'un anti-hypertenseur fasse effet ?

Les anti-hypertenseurs n'agissent pas immédiatement. Il est impératif que le patient suive bien son traitement pour voir les premiers effets des médicaments sur sa tension, "entre 4 et 10 jours en moyenne", selon les familles thérapeutiques des médicaments. Et si durant ce temps d'adaptation, le patient relève une tension trop basse à une session d'auto-mesure, "on conseille alors de prendre un avis médical pour adapter le dosage du médicament après le suivi de la tension sur plusieurs jours. D'une façon générale le patient ne doit pas décider de la prise du médicament selon la valeur d'une tension mesurée à une seule occasion et c'est la tension prise sur plusieurs jours qui permet au médecin de donner un conseil concernant la poursuite ou l'interruption des anti-hypertenseurs", ajoute Xavier Girerd.

Quels sont les hypertenseurs naturels ?

Ce qui compte avant tout est d'éviter une consommation excessive de sel et d'enrichir son alimentation en potassium d'origine alimentaire. Si l'Organisation mondiale de la Santé recommande de ne pas absorber plus de 5 grammes de sel par jour pour un adulte, en pratique, en France, une alimentation normalement salé comporte moins de 10 g de sel par jour. Le premier moyen efficace pour faire baisser sa tension est de diminuer une consommation excessive d'aliments qui contiennent du sel caché. "Dans une alimentation normale, on absorbe entre 6 et 10 grammes de sel par jour, commente Xavier Girerd. Plus de douze grammes par jour peut provoquer une augmentation significative de la tension et doit être évitée chez l'hypertendu. Nous ne recommandons pas aux hypertendus de manger sans sel, mais de diminuer les aliments riches en sel". Par ailleurs, depuis une vingtaine d'année, il est proposé aux hypertendus d'enrichir leur alimentation en potassium alimentaire en augmentant la quantité quotidienne en fruits, légumes et graines. "Le régime DASH (pour Dietary Approach to Stop Hypertension ou, en français, l'Approche Diététique pour Stopper l'Hypertension) a montré une certaine efficacité sur la tension en particulier s'il est associé à une limitation des apports en sel " indique le Pr Girerd. "Le régime DASH évalué sur les populations Nord-Américaines a été montré comme le plus efficace chez les femmes Afro-Américaines et le moins efficace chez les hommes blancs", précise-t-il.

Quoi qu'il en soit, une consommation quotidienne de fruits et légumes est aussi à conseiller aux hypertendus car cette méthode apporte un bénéfice complémentaire à celui du suivi régulier d'un traitement anti-hypertenseur. Enfin, aucune plante ne peut faire baisser les hypertensions pathologiques. Certaines peuvent toutefois apporter un coup de pouce. C'est le cas de l'ail noir aux propriétés anti-hypertensives, anti-inflammatoires et fluidifiant sanguin, de l'aubépine qui favorise le confort cardiaque et de l'olivier qui possède une action anti-hypertensive.

Merci au Pr Xavier Girerd, cardiologue et spécialiste de l'hypertension à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris et Président de la Fondation de Recherche sur l'Hypertension Artérielle.

Autour du même sujet