Retard de croissance : causes, comment le détecter ?

On parle de trouble de la croissance quand l'enfant ou l'adolescent est trop petit ou trop grand par rapport aux courbes. Dans quels cas s'inquiéter ? Quelles sont les causes d'un retard de croissance ? Qui consulter ? Quels sont les traitements ? Réponses du Dr Sylvie Hubinois, pédiatre et présidente de l'AFPA.

Retard de croissance : causes, comment le détecter ?
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Les courbes de croissance présentes dans le carnet de santé permettent de vérifier qu'un enfant grandit normalement, ou au contraire de déceler un éventuel retard ou une anomalie de croissance. S'il ne faut pas forcément s'inquiéter s'il est un peu plus petit (ou plus grand ce qui est plus rare) que les autres enfants de son âge, il est tout de même important de surveiller sa croissance de près. A quelle fréquence doit-on mesurer et peser son enfant ? Quels signes doivent alerter ? Comment traiter un retard de la croissance ? Le point avec le Dr Sylvie Hubinois, pédiatre et présidente de l'AFPA (Association Française de Pédiatrie Ambulatoire).

A quelle fréquence surveiller la croissance de son enfant ?

"On ne le répétera jamais assez : il faut surveiller régulièrement la courbe de croissance des enfants chez un médecin", pose d'emblée le Dr Hubinois. Dans l'idéal, il faut peser et mesurer son enfant tous les mois jusqu'à l'âge de 6 mois, tous les trois mois jusqu'à l'âge de 2 ans, puis tous les 6 mois entre 2 et 6 ans, recommande l'INSERM. Après 6 ans et ce, jusqu'à la fin de la puberté, une visite annuelle chez le professionnel de santé permet de voir si la taille et le poids de l'enfant s'inscrivent bien dans le "couloir" de la courbe de référence et qu'ils suivent une progression régulière. "Cela permet également de surveiller le périmètre crânien jusqu'à 5 ans, ce qui est également très important pour s'assurer du bon développement du cerveau", précise la spécialiste. 

Âge de l'enfant Le peser et le mesurer par un médecin...
De la naissance à 6 mois Tous les mois
De 6 mois à 2 ans Tous les 3 mois
De 2 ans à 6 ans Tous les 6 mois
De 6 ans à la fin de la croissance (16-17 ans) Tous les ans

Qu'est-ce qu'une une "croissance normale" ?

La croissance est contrôlée par plusieurs facteurs :

  • génétiques (taille des parents par exemple),
  • hormonaux (hormone de croissance, hormones thyroïdiennes, hormones sexuelles),
  • nutritionnels (malabsorption, apports),
  • socio-économiques
  • psychoaffectifs.

Ces différents paramètres influencent donc la croissance de l'enfant, à savoir la vitesse à laquelle il grandit ou encore son IMC (indice de masse corporelle qui mesure la corpulence de l'enfant).  L'enfant grandit environ de 25 cm la première année, puis de 10 cm la deuxième. De l'âge de 4 ans jusqu'à à sa puberté, le rythme de croissance décélère : l'enfant prend 5 à 6 cm par an. Jusqu'à cet âge, filles et garçons grandissent de la même façon, sur des courbes toutefois différentes pour les filles et les garçons. 

→ Chez les filles, le pic de croissance survient plus tôt, aux alentours de 10 ans et demi et la croissance ralentit lors des premières règles, puis s'arrête vers 15-16 ans.

→ Chez les garçons, le pic de croissance survient plus tard aux alentours de 12-13 ans. Leur croissance s'arrête en général aux alentours de 16-17 ans.

→ Une taille adulte est considérée comme "normale" entre 163 cm et 187 cm pour un homme et entre 152 cm et 174 cm pour une femme (normes des courbes de croissance AFPA-CRESS/INSERM 2018).

Quelles sont les causes d'un trouble de croissance ?

Les troubles de la croissance ont une multitude de causes. Cela peut être dû à :

  • une mauvaise alimentation ou un problème digestif (maladie cœliaque...)
  • un traumatisme psychique (deuil, séparation...)
  • certaines maladies endocriniennes (déficits en hormone de croissance, pathologies thyroïdiennes, anomalies de la puberté...) Si l'enfant ne sécrète pas suffisamment d'hormones de croissance (en cas de déficit important, le diagnostic peut-être évoqué dès 18 mois/2 ans devant un ralentissement de la croissance) ou thyroïdiennes. Dans ce cas, après un bilan en milieu spécialisé, le traitement substitutif est à base d'hormones de synthèse (GH ou thyroxine en fonction du déficit). 
  • une anomalie osseuse constitutionnelle (la plus connue étant l'achondroplasie) qui peut modifier la structure de l'os et du cartilage et perturber le bon déroulement de la croissance. 
Quid des enfants prématurés ? L'enfant prématuré, avec un retard de croissance à la naissance , peut être petit, mais avoir une taille normale par rapport à sa prématurité. Généralement, il revient à une taille et à un poids normaux en quelques années. "En revanche, les courbes de croissance des bébés prématurés hypotrophes (trop petits et trop maigres pour leur âge gestationnel) sont à surveiller de près. S'ils ne récupèrent pas suffisamment leur retard de croissance, il peut être intéressant d'envisager dans certains cas un traitement par hormone de croissance", précise le Dr Hubinois. 

Quand s'inquiéter ?

"Si la courbe de croissance de l'enfant est régulièrement en-dessous (ou au-dessus) de la moyenne, mais qu'elle reste parallèle aux couloirs des courbes de référence et dans les limites de ces courbes, il n'y a pas à s'inquiéter", tient à rassurer le Dr Hubinois. D'autant plus si la taille de l'enfant s'approche de la taille-cible : la taille théorique que l'enfant devrait atteindre, en prenant en compte la taille des deux parents. Autrement dit, un enfant peut sembler trop petit ou trop grand et pourtant, ne pas présenter de trouble de croissance. En somme "à partir du moment où la croissance de l'enfant est régulière et d'autant plus si ses deux parents sont petits, il n'y a pas d'inquiétudes à avoir", confirme la pédiatre. En revanche, il faut s'inquiéter :

  • lorsque la taille de l'enfant est beaucoup plus basse (ou beaucoup plus élevée) que la taille-cible attendue. Dans ce cas, "on considère qu'un enfant présente un trouble de la croissance lorsque sa taille est inférieure à la limite basse ou supérieure à la limite haute de la courbe de référence [présente sur le carnet de santé de l'enfant]", indique l'INSERM sur son site internet
  • lorsque "la croissance de l'enfant (avec une taille normale voire normale inférieure ou supérieure) ralentit brutalement et que sa courbe de croissance se casse et sort du "couloir", ou à l'inverse, si elle s'accélère, explique le Dr Hubinois. Toute anomalie dans l'évolution de la croissance doit faire suspecter une éventuelle pathologie et consulter un pédiatre ou un médecin habitué à surveiller la croissance des enfants".

Quels examens faire ?

Afin de déterminer la potentielle cause d'un ralentissement ou d'une accélération de croissance, le médecin ou le pédiatre va d'abord réaliser un examen clinique, lors duquel il va s'assurer que votre enfant ne présente pas de dysmorphie, d'anomalies morphologiques (des membres un peu courts, un visage légèrement déformé...), une insuffisance cardiaque, une insuffisance rénale, une pathologie organique... Le professionnel de santé va alors vous interroger sur les antécédents familiaux, l'alimentation de votre enfant et ses éventuels troubles digestifs (troubles de transit, vomissements, diarrhée chronique, pouvant faire évoquer en particulier une maladie cœliaque, une intolérance au gluten ou une autre maladie du tube digestif...) qui pourraient faire penser à une malabsorption des nutriments. Il va également s'intéresser à l'environnement familial et s'assurer qu'il n'y a pas eu de traumatisme psychique (un deuil ou une séparation par exemple). Un ralentissement de croissance peut aussi survenir chez certains enfants qui ont une puberté un peu tardive, mais ce retard peut être rattrapé si l'enfant ne présente pas d'autres signes suspects. Si le médecin pense qu'il s'agit d'une anomalie génétique ou osseuse, le diagnostic exact sera fait par un généticien. Certains examens peuvent se faire en ambulatoire tandis que d'autres nécessitent une hospitalisation", précise la spécialiste. Cet examen clinique permettra d'orienter le diagnostic et le médecin vous dirigera, au besoin, vers d'autres spécialistes en fonction des signes cliniques de l'enfant. Des troubles digestifs amèneront à consulter un gastro-entérologue. Ces spécialistes administreront un traitement adapté afin que la croissance de l'enfant reprenne son cours normal. 

Quels traitements ?

"Il y a des solutions de traitement pour beaucoup d'enfants, mais encore faut-il trouver le plus rapidement possible la cause d'un trouble de croissance, d'où l'importance de surveiller régulièrement et le plus précocement possible les courbes de croissance de l'enfant", tient à conclure la spécialiste. S'il s'agit d'un problème digestif, une alimentation adaptée doit être mise en place au plus vite par un médecin nutritionniste (régime sans gluten par exemple).  Une rééducation chez un kinésithérapeute ou des consultations chez un psychologue peuvent parfois être nécessaires en fonction de l'origine du trouble de croissance. 

Et si mon enfant est "trop grand" ? 

"C'est un trouble de la croissance moins fréquent, qui apparaît souvent progressivement pendant l'enfance ou la pré-adolescence. Il faut alors surveiller la courbe de croissance de l'enfant lorsque ce dernier présente une envergure (distance entre ses bras tendus, lorsqu'ils sont perpendiculaires au port) plus grande que sa taille", explique le Dr Hubinois. Si cela est vraiment problématique, le médecin spécialisé en endocrinologie pédiatrique pourra alors prescrire un traitement hormonal qui permet de ralentir la croissance. Le médecin va également s'assurer qu'il ne s'agit pas du syndrome de Marfan (un des signes cliniques simples pouvant faire évoquer ce diagnostic est une envergure (distance entre l'extrémité des doigts bras tendus horizontalement, supérieure à la taille). Cette maladie est caractérisée en particulier par une grande taille et une hyper-laxité par anomalie du tissu conjonctif, ce qui peut amener des problèmes cardiaques et oculaires. Mais généralement, le diagnostic de cette pathologie se base sur les signes cliniques et les antécédents familiaux. Là encore un bilan complet est nécessaire.

Merci au Dr Sylvie Hubinois, pédiatre

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