Rétine artificielle : comment ça fonctionne ?

La rétine artificielle, ou prothèse rétinienne, représente l'espoir de retrouver une acuité visuelle pour des millions de personnes atteint d'une maladie des yeux dans le monde. Comment fonctionne ce dispositif, à qui est-il destiné et quels sont les résultats attendus ?

Rétine artificielle : comment ça fonctionne ?
© RYSCHUK DMITRY

Définition : qu'est-ce qu'une rétine artificielle ? 

La rétine artificielle, de son nom scientifique, est un dispositif permettant de retrouver partiellement la vue à la suite d'une affection de la rétine, comme par exemple la rétinopathie pigmentaire, ou d'une dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA). Ce dispositif est parfois également appelé prothèse rétinienne ou œil bionique. "Mais le terme d'œil bionique n'est pas très correct, car il laisse entendre que le patient retrouve la vue, or, il ne retrouve qu'une vision très partielle, disons simplement une stimulation visuelle ", nous explique le docteur Maté Streho, ophtalmologiste. "La couleur, la forme, la luminosité, ça, c'est la vue normale. La vue avec la rétine artificielle, ce sont plutôt des pixels. On va pouvoir voir des points qui décrivent des ronds et ainsi détecter des formes arrondies", explique le médecin. Ainsi, la rétine artificielle ne permet pas aujourd'hui de retrouver réellement la vue. "Parfois, certains patients vont pouvoir déterminer un visage, mais en réalité, ils voient des points", ajoute-t-il. Mais pour les patients devenus aveugles, cela reste extraordinaire d'avoir cette possibilité. Aujourd'hui, les tests sont toujours en cours pour développer ces techniques et pouvoir détecter plus de pixels.

Quelles sont les indications ?

Selon la Haute Autorité de Santé (HAS), l'implantation d'une prothèse rétinienne est indiquée chez les personnes de plus de 25 ans, souffrant de dégénérescence rétinienne externe sévère à profonde, ayant une acuité visuelle limitée au décompte des doigts, et ayant déjà eu une vision des formes par le passé. "Un bon candidat à la prothèse rétinienne est un patient dont la rétine est malade, mais chez qui tout le reste de l'œil marche bien", décrit le médecin. Ainsi, cette technique s'adresse essentiellement à des patients atteints de rétinopathies acquises qui touchent seulement la rétine, et non le nerf optique. "Malheureusement, chez quelqu'un qui est aveugle de naissance, qui a un nerf optique qui ne s'est pas développé, la rétine artificielle ne servira à rien. Il faut que le nerf optique soit sain pour que cela marche ", précise l'ophtalmologiste. La rétine doit également pouvoir répondre à une stimulation électrique." Chez certaines personnes, cela marche mieux que d'autres, elles auront une meilleure vision des choses sans que l'on sache réellement pourquoi. "On suppose que la plasticité cérébrale joue un rôle", ajoute notre interlocuteur.

Quel est sont fonctionnement ?

Le dispositif de prothèse rétinienne se compose de plusieurs éléments : 

  • Un implant rétinien sur l'un des deux yeux seulement, muni d'un faisceau d'électrodes (60 pour la prothèse Argus II) chirurgicalement inséré sous la rétine
  • Une unité de traitement vidéo
  • Une paire de lunettes dotées d'une caméra miniature et d'une antenne externe. 

"C'est un dispositif assez imposant, mais année après année, il est de plus en plus réduit grâce au progrès technologique", précise le docteur Maté Streho. La caméra transmet les images à l'unité de traitement qui convertit les signaux lumineux en signaux électriques. L'image est projetée sur l'implant par une stimulation infrarouge. Ainsi, cela permet une stimulation plus directe des derniers neurones rétiniens vivants en contournant les cellules endommagées. Le signal est transmis au cerveau via le nerf optique, et permet au patient de recevoir des informations sous forme de motifs lumineux qu'il doit apprendre à réinterpréter. "Il faut un travail de rééducation derrière, pour que le patient réapprenne à déduire l'information, ça ne se fait pas immédiatement", précise le docteur.

DMLA 

La prothèse artificielle fonctionne particulièrement chez les patients souffrant de dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA). Environ 1,5 millions de personnes sont concernées en France. Parmi eux, 85% sont touchés par la forme "sèche", dont on ne peut pas stopper l'évolution. La maladie entraîne une dégénération progressive d'une partie de la rétine, entraînant parfois la perte de la vision centrale. "Ainsi, la rétine artificielle remplace les photorécepteurs altérés par la maladie", explique le médecin. "Mais ça s'adresse qu'aux patients avec les deux yeux touchés, sinon cela n'a pas d'intérêt", ajoute-t-il.

Quels résultats espérer ? 

Il faut comprendre que la rétine artificielle permet de compenser le handicap visuel en restaurant partiellement la fonction visuelle, et non totalement. "Actuellement, elle permet de voir avec environ 300 pixels, détaille le médecin. Vu l'évolution technologique, la résolution va augmenter. On va se rapprocher le plus possible des 600 pixels, c'est le défi des médecins". Ainsi, ce dispositif doit permettre, à terme, de lire des gros caractères, de reconnaître des objets, et de se déplacer dans un environnement restreint. Il y a déjà eu des améliorations conséquentes, "on est passé de fil à sans-fil, puis à Bluetooth… Le dispositif devient déjà bien moins encombrant".

Comment se déroule l'implantation ?

La mise en place de l'implant rétinien nécessite une intervention chirurgicale. Une fois l'opération faite, pour que le patient puisse utiliser le dispositif, une rééducation et l'apprentissage de cette technique est nécessaire. 

Quel est le prix ?

Il est difficile d'estimer le prix de ce dispositif. Il coûte au moins plusieurs dizaines de milliers d'euros, voire une centaine de milliers d'euros. "Pour les patients qui participent aux protocoles de recherche, ils sont évidemment pris en charge à 100%", précise notre interlocuteur. De plus, le dispositif de rétine artificielle Argus II est intégralement remboursé par la Sécurité Sociale. En France, un nouveau programme de recherche s'apprête à être lancé par le professeur José-Alain Sahel avec une vingtaine de patients. Ils vont ainsi tester le nouvel implant Prima de chez Pixium Vision, développé par le professeur Sahel lui-même. 

Merci au docteur Maté Streho, ophtalmologiste.