Pied diabétique : symptômes, complications, traitement

Complication redoutable du diabète, le pied diabétique est à l'origine de 10 000 amputations par an en France. Rencontre avec le Dr. Ha Van, auteur de l'ouvrage Le syndrome du pied diabétique et co-fondateur de l'Unité multidisciplinaire de Podologie.

Pied diabétique : symptômes, complications, traitement
© memorisz/123RF

Qu'est-ce que le pied diabétique ?

Le pied diabétique est l'une des complications les plus redoutables du diabète. En effet, lorsque ce dernier n'est pas équilibré, l'hyperglycémie chronique peut induire une neuropathie, c'est-à-dire une atteinte du système nerveux périphérique. "Cette neuropathie des membres inférieurs perturbe considérablement la sensibilité à la douleur, notamment au niveau des pieds, explique le Dr. Ha Van, spécialiste en Médecine Physique et de réadaptation, co-fondateur de l'Unité multidisciplinaire de Podologie. Les patients vont moins percevoir les petites blessures : ampoule, ongle mal coupé, corne aux points d'appui. Or, ces lésions cutanées, si l'on n'y prend pas garde, peuvent s'infecter et dégénérer en gangrène si le pied est mal vascularisé. Les amputations liées au pied diabétique trouvent souvent leur origine dans une petite plaie qui aurait pu être évitée..."

Quels sont les symptômes ?

La neuropathie diabétique est souvent une pathologie silencieuse. L'hyperglycémie chronique finit par altérer les nerfs. Les symptômes varient en fonction des patients et peuvent se traduire au début par des fourmillements ou des douleurs. Le patient peut également présenter des troubles de la sensibilité au froid et à la chaleur ainsi qu'une diminution de la sensation de douleur : il ne perçoit alors plus les traumatismes pouvant survenir sur le pied et se blesse sans s'en apercevoir." La neuropathie va insidieusement engendrer des perturbations du schéma de marche et de la morphologie du pied qui va devenir à haut risque de blessures superficielles, confirme le Dr. Ha Van.

"La survenue d'une plaie sur un pied totalement insensible et plus ou moins bien vascularisé est vraiment l'ennemi numéro 1"

"Celles-ci peuvent laisser place à des ulcérations de la peau. Le pied souffre également souvent d'une sécheresse cutanée provoquant des fissures, véritables plaies sources d'infection. Des callosités en regard des déformations peuvent aussi provoquer des blessures ultérieures. La survenue d'une plaie sur un pied totalement insensible et plus ou moins bien vascularisé est vraiment l'ennemi numéro 1 ! ".

Quelles sont les causes ?

Lorsque le diabète n'est pas bien équilibré, l'hyperglycémie chronique (l'élévation du sucre dans le sang) altère le fonctionnement des nerfs. A cette neuropathie des membres inférieurs peut s'ajouter une artérite c'est-à-dire une altération des artères qui va diminuer l'apport de l'oxygène aux pieds. "Cette mauvaise vascularisation des tissus fait que les plaies s'étendent et ne cicatrisent pas" précise le Dr. Ha Van. On estime le risque d'artérite 2 à 5 fois supérieur chez le diabétique par rapport au patient non diabétique...

Quelles sont les complications ? 

En cas de plaie (ampoule, ongle mal coupé, incarné, etc.) qui passe inaperçue ou tarde à être soignée, la blessure peut s'infecter et dégénérer en gangrène en cas d'artérite diabétique associée. "Près de 10% des diabétiques courent un risque d'amputation, confirme la Fédération des Diabétiques. C'est peu et beaucoup à la fois car on dénombre chaque année, en France, près de 10 000 amputations dues aux complications du diabète." En France, entre 2008 et 2014, le taux d'hospitalisation pour plaies du pied diabétique est passé de 508 à 701 pour 100 000 diabétiques mais parallèlement le taux d'amputation a diminué de 301 à 262 pour 100 000 diabétiques. "Preuve qu'avec une prise en charge optimale on se fait hospitaliser plus souvent pour une plaie du pied mais qu'on est moins amputé" ajoute le spécialiste.

Quand et qui consulter ?

En première intention, il faut consulter un médecin généraliste qui dirigera ensuite, si nécessaire, le patient vers un spécialiste. "On peut aussi se rendre dans un centre spécialisé dans le pied diabétique qui grâce à sa prise en charge multidisciplinaire (diabétologue, podologue, chirurgien orthopédiste, chirurgien vasculaire, angiologue, infectiologue, etc.), permettra de recevoir des soins adaptés et de prévenir les récidives" confie le Dr. Ha Van.

Quels examens faire ?

Il est conseillé de faire vérifier la sensibilité (test au monofilament) et la vascularisation de ses pieds chaque année afin de dépister d'éventuelles complications du diabète (neuropathie, artériopathie) ou des plaies.

→ Pour information, la classification décrite par Wagner en 5 stades n'est plus utilisée par les vrais spécialistes depuis plus de 25 ans. On ne se base plus sur une classification pour amputer ou non. 

Quels sont les traitements ?

Le traitement d'une plaie chronique du pied diabétique nécessite une approche multidisciplinaire. "La première étape consiste à rétablir les conditions d'une bonne cicatrisation via la mise en décharge stricte du pied, à laquelle on ajoutera si nécessaire une antibiothérapie, une revascularisation des tissus ou un débridement chirurgical" explique le Dr. Ha Van. Une prise en charge rapide dans un centre de référence permet d'augmenter ses chances de guérison et d'éviter une amputation.

"Il est indispensable d'abolir toute auto-pédicurie de salle de bain"

Amputation du pied du diabète : à quel grade ?

L'amputation a lieu en dernier recours, lorsque tous les traitements entrepris ont été trop tardifs ou bien lorsque le pied ne peut techniquement plus être revascularisé. 

Quelle prévention pour éviter les récidives ?

Les patients doivent être régulièrement suivis, traiter précocement leurs plaies et prévenir les risques de récidive via des soins de pédicurie et le port de chaussures adaptées. "Lorsqu'il y a eu une plaie chronique du pied diabétique, après cicatrisation le taux de récidive est de 40 % la première année, rappelle le spécialiste. C'est pourquoi, il est primordial d'éduquer les patients. Les professionnels de santé - pédicures podologues, podo-orthésistes, infirmières et médecins - doivent assurer un suivi régulier de ces pieds à haut risque. Parce que le patient, du fait qu'il ressent peu de symptômes, a du mal à se prendre en charge seul et se fait souvent surprendre par l'apparition de plaies et d'infections indolores... potentiellement très graves !" 

L'Assurance maladie prend en charge les soins de pédicurie à raison de 6 séances par an pour les patients diabétiques ayant déjà eu une plaie d'une durée supérieure à 1 mois et 4 fois par an pour ceux ayant une neuropathie avec artérite ou déformation des pieds. "Il est indispensable d'abolir toute auto-pédicurie de salle de bain, insiste le Dr. Ha Van. C'est-à-dire la coupe des ongles, l'ablation des cors ou des durillons avec des outils métalliques ou de l'acide (coricides vendus en pharmacie à base d'acide salicylique), l'arrachage de peaux, etc. Préférez un soin réalisé par un pédicure-podologue."

Chaussures : "La chaussure doit avoir une chambre antérieure suffisamment large et haute pour le pied du patient" conseille le Dr Han Van. Mais inutile de prendre des chaussures trop grandes pour plus de confort : le pied étant plus libre dans une chaussure trop grande frotte plus sur la tige de la chaussure et se blesse plus.

Merci au Dr. Ha Van, auteur de l'ouvrage "Le syndrome du pied diabétique" (Elsevier Masson) et co-fondateur de l'Unité multidisciplinaire de Podologie.